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Encore une autre bombe a explosé à Vientiane, c'est la troisième en espace de cinq semaines

Par: David Thanadabouth, journaliste à Radio France Internationale (section lao)

Encore une autre bombe, de faible puissance cette fois, a explosé le 4 mai dernier en plein centre de Vientiane et a causé quelques dégats matériels. Cette troisième explosion en espace de cinq semaines dans la capitale laotienne a eu lieu à 20h25 (heure locale) devant l'hôtel Lan Xang sans pour autant faire de victime.

La première explosion avait eu lieu le 30 mars dernier dans un restaurant "Khob Chai Deu" près de la place de "Nam Phou" faisant plus d'une dizaine de blessés dont plusieurs touristes étrangers et la deuxième le 17 avril dans le marché du quartier "Dong Palan". Bilan: un mort et quatre blessés graves.

Selon les sources diplomatiques dans la capitale laotienne, un engin de type " incendiaire" a été montée sur une vieille bicyclette stationnée dans un parking près de l'hôtel Lan Xang avant d'exploser par télécommande non loin du restaurant "Khob Chai Deu" . La bicyclette a été complètement détruite et deux voitures endommagées.

La police laotienne est en train de mener une enquête pour déterminer la cause exacte de l'explosion que l'on ne connaîtra peut-être jamais officiellement, ont indiqué les mêmes sources ajoutant que la police laotienne a confisqué, comme d'habitude, les pellicules de toutes les personnes possèdant les appareils de photo et présentes sur place au moment du fait .

L'agence de presse officielle , KPL, avait attribué la responsabilité au "terrorisme" pour l'explosion dans le restaurant "Khob Chai Deu", mais n'avait donné aucune précision sur la nature du terrorisme soupçonné. C'est-à-dire le terrorisme à caractère politique ou criminel, tout en reconnaissant qu'il s'agissait d'une explosion sans précédent. La KPL reste toujours muette sur la deuxième explosion.

                     Le caractère politique de l'attentat de plus en plus plausible

Contacté par téléphone, un haut fonctionnaire du Ministère de l'Information et de la Culture a informellement admis que les trois attentats à la bombe ont été commis par "les gens de mauvaise foi", terme officiel qui désigne les opposants au régime communiste de Vientiane. Leur objectif est de faire échec à l'année du tourisme national, a affirmé le haut fonctionnaire qui souhaite garder l'anonymat. Donc c'est une reconnaissance de facto même non-officielle du "caractère politique" de ces trois attentats à la bombe.

Par ailleurs, l'hypothèse du règlement de compte commercial peut être écartée par le fait que ces trois attentats se sont produits dans les intervalles très rapprochées et dans les endroits susceptibles de rassembler les touristes étrangers.

En outre, ces actes de violence indiquent clairement que "les éléments déstabilisateurs" se sont bien infiltrés jusqu'à la capitale . Les autorités avaient pris l'habitude de déclarer non sans fierté que toute tentative de subversion à l'intérieure du pays serait complètement écrasée en quelques heures. Ces trois attentats à la bombe en plein centre de Vientiane, c'est-à-dire au nez et à la barbe des autorités, prouve bien que le gouvernement lao éprouve de plus en plus de difficulté à contrôler la situation..

                                                  Toujours pas de revendication

Comme les deux précédentes explosions, aucune organisation n'a revendiqué "l'attentat à la bicyclette" sur lequel les medias du gouvernement restent encore silencieux comme le veut la tradition du régime marxiste.

Par ailleurs, l'Armée de la Démocratie Libérale Lao (Kam Lang Thap Séri Paxathipatai Lao ou KLTSPL), une organisation anti-gouvernementale se réclamant avoir établi ses bases dans la province de Phongsaly, a menacé il y a quelques semaines qu'elle monterait des opérations en vue de bloquer les routes nationales N°s 8, 9, 12 et 13 ainsi que l'eau et l'électricité dans tout le pays. Cette menace a été publiée dans un communiqué daté du 9 avril 2000 dont une copie a été envoyée de Clearwater (Floride) à Radio France Internationale, section lao.

Jusqu'ici, rien n'a indiqué que cette organisation était l'auteur des attentats à Vientiane. En outre, M. Duck Vanvilay, Secrétaire du Bureau des Relations Extérieures de cette organisation, a nié toute implication de son organisation dans les explosions dans la capitale laotienne. Il a simplement déclaré que c'était des actes de la part des gens qui sont mécontents du régime.

Depuis le début de l'année, l'armée Chao Fa, constituée par les guerrilleros Hmong et financée par des groupes d'exilés installés aux Etats Unis, a intensifié des opérations contre les forces gouvernementales dans la province de Xiengkhouang et la région d'administration spéciale Saysomboun dans le Nord-Est et le centre du pays. Mais ces guerrilleros n'ont jamais fait état de leur infiltration dans la capitale.

Est-ce que le hasard a fait que ces attentats coïncident avec les offensives de grande envergure (à l'échelle laotienne) de la part de l'armée Chao Fa et la menace de KLTSPL? La réponse a tendance à être négative si l'on tient compte de la déclaration de M. Chanthi Deuansavanh, propriétaire du restaurant Khob Chai Deu, qui avait affirmé à l'agence japonaise Kyodo que "je n'ai pas d'ennemi et je soupçonne les Hmong d'être derrière cet attentat"…

                                                                                                                             Paris le 06 mai 2000

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